TOGO: LA DIASPORA EST-ELLE UN ACTEUR PAR DÉFAUT OU UNE BÉQUILLE DE L’OPPOSITION ?

Il y a un an j’écrivais ceci.

Pour aider l’opposition, il faut d’abord la défier. La diaspora doit le faire.

Le dictionnaire numérique Larousse offre 5 définitions du verbe défier. Voici celui qui s’applique à la présente réflexion:

“DÉFIER: inciter quelqu’un, par la provocation, à faire quelque chose, en prétendant qu’il en est incapable.”

Pour qui suit l’actualité politique au Togo et les positions des divers acteurs depuis la révolte populaire du 19 août (pouvoir, opposition, société civile, diaspora), le positionnement politique de la diaspora est une source d’interrogations. Il faut d’abord lever deux équivoques sur la diaspora.

La première est que généralement on croit cette diaspora acquise à l’opposition. Mais il existe aussi une partie de la diaspora plutôt acquise au pouvoir, quoique silencieuse: à titre d’exemple, au plus fort de la crise en automne 2017, certains avaient essayé de créer la “diaspora du nord-Togo”, sûrement par opposition à celle “du sud” et “du centre” qu’on considérait acquises à l’opposition.

La deuxième est que dans l’esprit de nombreux Togolais, il y a confusion entre diaspora et activistes, dû sûrement au fait que de nombreux activistes sont basés dans la diaspora. Mais il y a des activistes basés aussi au Togo.

Cette réflexion ne prêche pas une quelconque union politique de toute diaspora car cette unité se trouve déjà dans les transferts d’argent.

La réflexion s’intéresse plutôt à la manière par laquelle la diaspora acquise à l’alternance politique peut mettre fin au naufrage de l’opposition, et partant, au sauvetage du Togo.

L’un des moyens les plus efficaces pour sortir un groupe de sa psychose ou torpeur, c’est une thérapie de choc, un traitement aux antipodes de tout ce à quoi ce groupe s’attend ou se prépare. Par exemple en août 2017, grâce à un travail minutieux et silencieux préalable, Atchadam avait sorti l’opposition togolaise de la torpeur dans laquelle elle était plongée depuis la décapitation du Collectif Sauvons le Togo, et la présidentielle de 2015. Aujourd’hui encore, les législatives de décembre 2018, la répression des manifestations du PNP en avril ainsi que les locales du 30 juin dernier ont replongé l’opposition dans sa torpeur. La solution réside soit dans la défiance de l’opposition par un de ses membres ( ce qui est peu probable), ou par une force externe aux pesanteurs de la politique togolaise: la diaspora.

Pas par le biais des attaques personnelles et railleries sur les médias sociaux, mais en faisant ce que les opposants togolais, du plus jeune au doyen, du plus récent au vétéran ont toujours refusé de faire: formuler une offre politique viable, la présenter aux Togolais et trouver des hommes et des femmes capables de mettre cette offre politique en œuvre. C’est à mon avis ce que doit être la Feuille de Route de la diaspora pour l’effectivité d’une alternance en 2020.

Jusqu’ici, ce que la diaspora dans son ensemble ou les activistes de cette diaspora ont toujours fait publiquement se résume à la critique, raison pour laquelle il y a une résistance envers les “conseils” qu’elle donne “gratuitement” aux responsables de l’opposition.

Il est temps pour la diaspora de s’assumer en tant que force politique, et cela passe par la défiance des opposants sur un terrain où on les a toujours attendus et sur lequel ils rechignent à s’engager: l’élaboration d’une offre politique.

Si la diaspora formule une offre politique fiable, les opposants “sur le terrain” essaieront d’imiter cette approche. Même si cela ne donne pas lieu à des offres concurrentes portées par des partis politiques, la diaspora les forcera à se prononcer sur son offre.

Cela nous sortira un peu de ces débats creux sur qui doit être candidat, sans nous dire exactement en quoi sa gouvernance sera différente de la présente, une situation qui décrédibilise la classe politique. Quel que soit le résultat, on sera sûr d’une chose: on s’engagera sur le chemin de l’excellence et d’une meilleure alternative. Ce ne sera que justice pour la démocratie, à la togolaise.

De plus, l’élaboration d’une offre politique offre un autre avantage immédiat: l’unité de la diaspora elle-même, cimentée par des propositions aux problèmes du pays plutôt qu’autour des querelles de chapelle et des préférences pour tel et tel leader.

Le pouvoir a pour sa part compris qu’en l’état actuel des choses où il a mis l’opposition dans une bouteille, la diaspora reste la seule bouée de sauvetage pour cette opposition.

L’objectif inavoué de la mise en place du Haut Conseil des Togolais de l’Extérieur est justement de distraire assez cette diaspora afin qu’elle n’ait plus le temps ou ne voit plus la nécessité de venir au secours d’une opposition en plein naufrage.

Aminou Ben Yaya