Éditorial: « On est de la maison! »

JUILLET 8, 2021 :

« On est de la maison », ou comment des plaisantins dressent un rapport accablant de la situation du Togo plus que n’importe quelle ONG des droits de l’homme. Depuis des semaines, dans des directs Facebook, des individus en temps…

« On est de la maison », ou comment des plaisantins dressent un rapport accablant de la situation du Togo plus que n’importe quelle ONG des droits de l’homme.

Depuis des semaines, dans des directs Facebook, des individus en temps normal, dont le rôle devrait se limiter à se couvrir le visage de farine – attention la farine de maïs est devenue très chère-, ou à ronchonner un cocktail de mots sans queue ni tête, ont choisi non plus de jouer à l’âne (il transporte les livres mais ne sera jamais savant), mais de nous peindre la situation réelle du Togo en matière d’État de droit, de droits de l’homme et de démocratie.

Dans leur refrain tourné sur leur langue velue, reviennent sans cesse, des attelages de mots et de phrases dont la désinvolture revendiquée lui dispute la proximité vantée avec une institution hautement sacrée mais désincarnée.

Voici un petit florilège des phrases ou de syntagmes utilisés : « on est de la maison », « le haut lieu ».

A première vue, on aurait cru à un conseil des ministres d’un gouvernement d’égout, tant le nom du chef de l’Etat est cité avec une frénésie quasi-déroutante. Ensuite, le tutoiement du chef de l’Etat Faure Essozimna Gnassingbé – premier magistrat du Togo – donne l’impression que ces individus appartiendraient à une coopérative dans laquelle ils élèvent des cochons ensemble. Enfin, dans un pays toujours en coupes réglées où on ne s’amuse pas avec un certain nombre de personnes, ces individus allègrement, défient Directeur général de la police, de la gendarmerie, Mme le Premier Ministre, des DG très craints des deux sexes, Procureurs etc, qu’on encourage les internautes à tagger.

Dans leur zèle et faisant preuve d’un manque d’intelligence criard, nos amis se sont adonnés à des déclarations et aveux aussi croustillants les uns que les autres qui ont plus valeur qu’un rapport à charge d’une ONG de défense des droits de l’homme.

Pendant que d’aucuns ont démontré qu’ils ont des parrains, ont des entrées directes chez le chef de l’Etat et à un certain nombre de chefs d’institutions, par lesquels ils peuvent passer pour par exemple collecter des données personnelles sans passer par les autorités judiciaires, d’autres ont bombé le torse, comme Dieu, décidant du jour et de l’heure, où sera scellé le sort de leurs protagonistes.

Grâce à eux, on découvre qu’on peut être un individu sans aucun statut particulier au Togo, et collecter des informations personnelles à TogoCom, donner des ordres d’arrestation et de libération, donner des instructions aux Officiers de Police Judiciaire (OPJ), au parquet, et aux grands officiers, continuer de plastronner et de narguer les gens même quand un processus judiciaire est en cours. Tout cela, au nom de la proximité supposée ou réelle avec le Chef de l’Etat.

Diantre ! Malgré la toute-puissance des Barry Moussa Barqué et leur accès au Chef de l’Etat, on n’a jamais assisté de mémoire d’hommes, à un degré aussi vil, à pousser le nom du président de la République dans un précipice aussi abyssal de bassesse et d’excréments.

Si nous n’y prenons garde, des individus dignes des cartels de drogue mexicains pourraient aussi, quelque jour, pourquoi pas ! débarquer dans nos murs et nous raconter comment ils fument des joints ensemble avec notre président, et comment ils font des choses pas pour enfants après.

Dans un Etat de droit, de droits de l’homme et de démocratie, associer le nom du chef de l’Etat à ces égaiements de bas prix, avouer que des individus sans aucune fonction officielle sont plus puissants que les institutions sécuritaires et judiciaires, on devrait ouvrir une enquête. Bon Dieu de bon sang !

L’Expression n°10 du 8 juillet 2021