Rencontre avec les médias
Lomé 14 Septembre 20120 – Siège du Parti des Togolais
Cette déclaration s’organise autour de 5 points :
Point 1 : Gestion de la crise sanitaire Covid-19 Point 2 : Gestion des finances publiques
Point 3 : L’insécurité notoire pour les Togolais Point 4 : Situation politique dans le pays
Point 5 : Situation politique dans la sous-région
Point 1 : Gestion de la crise sanitaire Covid-19
Le monde est frappé par la pandémie du virus COVID-19. Le Togo n’échappe pas à cette crise sanitaire. Le bilan officiel au 12 septembre est de 37 décès. Même si le nombre de vies arrachées reste dans une proportion relativement faible, l’impact économique, social et sécuritaire est déplorable.
Sur le plan économique
Le ralentissement du commerce mondial se répercute sur les entreprises togolaises de manière prononcée, surtout que l’environnement économique local n’était déjà pas bien reluisant. Les entreprises touchées directement par certaines mesures ripostes prises par le gouvernement, telles que le couvre-feu nocturne, le confinement et la fermeture de certains établissements de loisirs et de restauration, sont considérablement fragilisés.
Des mesures générales d’accompagnement financier, fiscal et douanier des entreprises sont annoncées par le gouvernement, mais les mécanismes d’accès à ces ressources et le niveau des financements restent flous et politisés. A ce jour – Six mois après le début de la pandémie au Togo – aucune information officielle ne donne une évaluation globale de l’impact financier de la crise sanitaire, en dehors de quelques indications dans les rapports de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire international publiés en Août 2020. Les entreprises sont dans l’incertitude et les plus fragiles ferment déjà leurs portes, avec des conséquences directes de chômage pour les salariés. Le secteur informel est encore plus mal loti. Les critères qui déterminent le droit à l’accompagnement de l’Etat souffrent d’insuffisances diverses et de subjectivité aux relents politiques.
D’une manière générale, la récente étude de la Banque Mondiale sur le Togo – Aout 2020 – précise : « il est essentiel de s’attaquer aux contraintes limitant le développement du secteur privé afin de répondre aux besoins de financements nécessaires à la réalisation du PND ». En d’autres termes, au-delà des effets de la pandémie, selon la Banque Mondiale « le secteur privé fait face à des contraintes structurelles », le mal est donc plus profond. L’impact de la crise sanitaire ne peut donc pas justifier l’échec prévisible du PND. Ces contraintes structurelles que souligne la Banque Mondiale, concernent largement le champ politique, au-delà des considérations purement techniques. Ce qui confirme nos affirmations selon lesquelles le Plan National de Développement est inadapté à ses objectifs, dans le contexte politique actuel.
Sur le plan social
L’instauration du couvre-feu a produit l’arrêt brutal de l’économie nocturne. Pour les familles concernées, c’est une privation directe de revenus de subsistance. Le programme Novissi mis en place par le gouvernement ne répond que très insuffisamment aux pertes subies par les familles. De plus, le bénéfice de ce programme est assujetti à la présentation d’une carte d’électeur, à l’exclusion de toute autre pièce d’identité. Ce qui constitue un acte de discrimination orchestré par le gouvernement contre les citoyens qui ont dénoncé les conditions des élections et qui ont décidé de ne pas s’inscrire sur la liste électorale. Les attroupements occasionnés par la distribution des pécules Novissi constituent des foyers potentiels de propagation du virus. Ce n’est pas ce que l’on attend d’un gouvernement responsable.
Le corps médical et tous les techniciens de la santé restent grandement exposés au virus, du fait d’une dotation insuffisante des équipements de protection. Ils dénoncent régulièrement cette situation.
Les agriculteurs souffrent particulièrement de la fermeture des frontières et du bouclage des villes. Les produits récoltés, après de longs mois de travail, pourrissent dans les réserves.
La mauvaise gestion de la crise sanitaire vient aggraver le niveau de pauvreté de la population qui s’envolait déjà jusqu’aux chiffres alarmants de 77% dans l’Oti-Sud et de 30,3% dans le grand Lomé.
Soulignons que d’après le rapport annuel de l’ONU (World Happiness 2020), les Togolais font partie des peuples les plus malheureux au monde, avec le rang de 135 sur 156 pays évalués. C’est peu flatteur !
Sur le plan sécuritaire
Parmi les mesures prises par le gouvernement, il y a la mise en place de la Force spéciale mixte anti- pandémie Covid-19. Ayant pour mission de faire respecter les décisions de couvre-feu, puis de port de masque, cette force s’est illustrée par des traitements inhumains et dégradants sur la population. On a enregistré plusieurs blessés et des décès. Là où le virus n’est pas passé cette force a fait trépasser des gens. Des patrouilles de la garde présidentielle – bérets verts – investissent régulièrement les quartiers, y terrorisant de paisibles citoyens, en violation flagrante de la loi, sous le prétexte d’évaluer le respect des mesures barrières.
Présentement, essentiellement les préfectures de Tchaoudjo, Tchamba, Sotoboua sont soumis au bouclage. Une mesure dont l’efficacité ne fait pas l’unanimité chez les experts médicaux et épidémiologistes. La certitude est que le bouclage génère de réelles conséquences pour la population, alors que les mesures d’accompagnement ne sont pas à la hauteur des besoins et des attentes de la population.
L’état d’urgence décidé par le gouvernement le 1er avril 2020, est régulièrement prorogé. La dernière prorogation prend fin demain 15 septembre 2020. Durant toute cette période, le Chef de l’Etat gouverne par ordonnance. Il a les pleins pouvoirs. Quel en est le bénéfice réel pour le peuple ?
Au final, la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement souffre d’une inefficacité préjudiciable aux Togolais.
Point 2 : Gestion des finances publiques
Les Togolais dénoncent régulièrement la gouvernance économique et financière hasardeuse du régime. Les organisations internationales comme Flux Financiers Illicites (FFI) et Global Financial Integrity (GFI) classent le Togo parmi les pays où le niveau d’évasion des capitaux est très élevé. Les médias révèlent régulièrement des affaires de détournement de deniers publics. Ces scandales défraient la chronique quelques temps puis se tassent sans que le régime ne prenne des mesures vigoureuses pour y mettre un terme. La liste de ces scandales est longue et portent sur des sommes faramineuses dont l’unité est le généralement milliard de francs CFA.
Sans s’attarder sur les affaires de la route Lomé-Vogan, les détournements à l’Office Togolais des Recettes (OTR), la privatisation des banques et des sociétés d’Etat dans des conditions obscures, la dernière affaire soulevée par le journal L’Alternative porte sur 500 milliards de nos francs dans le secteur du pétrole. Révélé le 9 juin 2020, le PétroleGate – nom donné à cette affaire par le journal – est porté devant les tribunaux par l’une des personnes mises en cause par le journal.
Les Togolais réclament la vérité sur ces scandales à répétition qui ruinent le pays et constituent une entrave à son développement. Les Togolais exigent surtout qu’un terme soit mis au pillage structurel des ressources publiques.
Comment comprendre, qu’après avoir déclaré en Avril 2012 qu’une « minorité accapare les richesses du pays », le Chef de l’Etat reste inactif et silencieux sur la question des détournements des deniers publics, au point qu’en 2020 la presse en soit encore à éventer de nouvelles affaires de corruption ?
Point 3 : L’insécurité notoire pour les Togolais
Le grand banditisme, avec des braquages violents à l’arme de guerre, semble s’installer durablement dans le pays. Premières cibles de ces crimes, les commerçants paient un lourd tribut, aussi bien financièrement qu’en termes de vies humaines arrachées. Les auteurs ne sont presque jamais retrouvés. Cette situation est dommageable pour le commerce et crée un état d’anxiété pour les commerçants.
A cela s’ajoute un usage trop facile de la gâchette par certains éléments des forces de sécurité et de défense qui causent la mort de paisibles citoyens togolais. La répétition de ces scénarii laisse déduire un laxisme du régime dans la prise de mesures appropriées. En dehors des cas flagrants, les enquêtes ouvertes suite aux bavures restent sans suite, renforçant un sentiment d’impunité qui encourage la récidive.
La dernière affaire de crime de sang est l’assassinat du Colonel Bitala Madjoulba – Commandant du 1er Bataillon d’intervention rapide (BIR) – dans son bureau, à l’intérieur d’un camp militaire abritant un corps d’élite. Depuis le 4 Mai 2020 que l’affaire est révélée au grand public, aucune communication officielle n’est venue clarifier les circonstances de l’assassinat. La commission d’enquête composée de généraux reste muette. 4 mois après les faits, les Forces Armées Togolaises (FAT) et le peuple togolais sont toujours dans l’ignorance des faits.
Il n’est pas acceptable, pour la paix et la sérénité de la population, que des affaires de telles gravités fassent l’objet de dilatoire de la part du gouvernement, en comptant sur le temps pour épuiser les Togolais dans l’attente.
Point 4 : Situation politique dans le pays
Après l’élection présidentielle du 22 février 2020 – la septième depuis 1990 – la violence d’Etat s’est abattue sur le candidat Agbéyomé Kodjo qui est menacé d’emprisonnement et poussé hors de l’espace public, parce qu’il revendique la victoire. Ses partisans sont pourchassés et certains jetés en prison.
Le parti des Togolais appelle le régime togolais à mettre un terme aux poursuites judiciaires engagées contre celui que beaucoup d’électeurs considèrent comme le vrai vainqueur de l’élection, de même que les poursuites contre les cadres qui l’accompagnent. C’est aussi l’occasion pour le Parti des Togolais d’appeler, une fois de plus, à la libération immédiate de tous les prisonniers politiques.
A l’issue de cette dernière et malheureuse expérience électorale, on peut tirer quelques conclusions. Trois retiennent principalement l’attention :
1) Le noyau dur qui tient le régime est hermétiquement fermé à toute évolution démocratique
2) Dans les conditions actuelles, aucune élection ne peut offrir aux Togolais le changement souhaité
3) Les élections ont toujours été une source de division pour les partis d’opposition.
Au-delà de ces constats, on peut aussi affirmer que le peuple a toujours fait preuve de disponibilité et de courage, à chaque fois que les leaders l’ont sollicité. Le fait de ne pas avoir atteint l’objectif du changement relève principalement de la responsabilité des leaders.
Au moment où la lutte active semble connaître un ralentissement, c’est l’occasion de nourrir la réflexion pour sa réorientation. Nous devons cesser de courir après les postes électifs pour nous engager dans une lutte pour l’avènement de la démocratie. Pour le moment, oublions les élections.
Nous n’avons pas besoin d’élections pour avoir la démocratie, nous avons besoin de démocratie pour avoir des élections.
Pour cela, il ne s’agit plus de se précipiter pour reprendre les manifestations publiques pacifiques, ni de courir après une chimérique union de toute l’opposition. Il s’agit plutôt de mettre à profit cette période qui permet au peuple de régénérer ses forces, afin de :
• concevoir un projet politique qui fédère le peuple et qui définit le Togo dans lequel nous voulons vivre ;
• construire une programmation stratégique pertinente qui sous-tende la lutte ;
• établir une organisation soudée et une méthode de travail efficace qui sera mise en œuvre avec rigueur ;
• Bâtir une lutte citoyenne, en sortant des carcans des partis politiques et des organisations monolithiques.
C’est en passant ces étapes préalables, que les prochaines grandes manifestations – comme savent si bien le faire les Togolais – auront l’efficacité nécessaire qui produira le changement tant attendu.
• Le changement dont nous rêvons ne se résume pas du tout à remplacer une personne par une autre personne.
• Le changement dont nous rêvons, c’est la construction du Togo où le vivre-ensemble harmonieux est effectif, dans un contexte démocratique qui protège le citoyen et qui garantisse ses droits.
• Le changement dont nous rêvons, c’est de faire de notre pays l’or de l’humanité, comme l’ont rêvé les bâtisseuses et bâtisseurs de l’indépendance.
Il est temps de transformer la formidable force de contestation du peuple en une efficace force de conquête du changement, pour le bénéfice de tous les Togolais.
Point 5 : Situation politique dans la sous-région
La crise politique qui sévit dans plusieurs pays de la sous-région montre qu’autant une hirondelle ne fait pas le printemps, l’élection ne fait pas la démocratie. C’est pourquoi, malgré les élections, plusieurs dirigeants fricotent avec la mauvaise gouvernance et la dictature.
En Guinée et en Côte d’Ivoire – comme au Togo – on ramène la Constitution à un simple instrument à activer pour donner un cadre légal à la confiscation du pouvoir. L’élection présidentielle du mois prochain devient un facteur de risque pour la stabilité de ces deux pays. Cela est inquiétant pour la sous- région.
Au Mali particulièrement, un coup d’Etat vient de mettre un terme au pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keita. Lorsqu’il s’opère dans une démocratie, un coup d’Etat doit être condamné avec énergie. Mais lorsque les institutions sont bridées et ne jouent plus leur rôle de contrôle et d’équilibre, et que les élections sont vidées de leurs attributs démocratiques, alors le coup d’Etat devient pour la dictature ce que l’élection est pour la démocratie, un instrument de régulation de la vie politique.
C’est pourquoi, le contexte du coup d’Etat du 18 Août 2020 au Mali appelle à une lecture empreinte de compréhension et non de dogme. Cette flexibilité a échappé à la CEDEAO qui a déversé une pluie de sanctions sur la Mali. Le peuple malien, déjà durement éprouvé, n’a pas besoin d’être martyrisé par un embargo injuste. Les Togolais doivent faire la lecture appropriée des événements du Mali.
Le parti des Togolais appelle la CEDEAO à la levée des sanctions contre le Mali et à plutôt l’accompagner, afin que ce coup d’Etat soit le dernier. La transition ne doit pas être bâclée dans une précipitation injustifiée. Elle doit prendre le temps raisonnable pour permettre aux Maliens de se parler, de panser leurs plaies et de tracer les voies de la démocratie, de la sécurité et du développement.
En effet, après celles de 1968, 1991 et 2012, cette quatrième intervention de l’armée dans la sphère politique indique une absence de projet politique qui sous-tende les précédents coups d’Etat et qui fédère les maliens.
Le parti des Togolais encourage le peuple malien à trouver les voies de la stabilité et de la cohésion nationale.
C’est au prix du renforcement de la démocratie dans chacun de nos Etats que nous pouvons bâtir une CEDEAO des peuples qui puisse agir en organe de prévention des dérives autocratiques dans tel ou tel pays.
Tel est le vœu des peuples de la CEDEAO
Tel est le vœu des Togolais
Tel est aussi ce pour quoi se bat, le Parti des Togolais. GAMESU
Lomé, Le 14 Septembre 2020
nolympio@partidestogolais.org